Petit Coup Dur mais que d'Aventures

Un ami venu, mon cher et tendre. Main dans la main, decouvertes du Yunann. Souvenirs d’aventure sous fond de frustrations… Crises de nerfs et trépas directionnels… « Mais ou on le prend, ce bus ? » « Et pourquoi il m’ignore quand je lui parle, lui ? » « mais il est con ou quoi ? c pourtant simple, ce que je demande non ? et les gestes, le « Nager », ils le font comment eux ? faut que j’imite la noyade ou quoi ?».

Nicolas a dresse un portrait parfois encore plus negatif que moi, me semble-t’il, de ces chinois! Et pourtant, fusaient souvent des « Genial !, c’est trop cool ! » « Ouahh, ca c’est chouette ca ! ». Et il va d’ailleurs sans doute se recycler entre autre dans l’import/export des scooters electriques... Alors, encore, que de contrastes, que de contrastes !

Quant a moi, et bien mon aventure s’acheve bientôt. C’etait pas tout a fait prevu ainsi dans ma petite tete de fille bien ordonnee, et c’est alors un peu deroutant. Je voulais faire les choses bien, avertir au plus tot de mes intentions, pour que mes missions me soient adaptees et que tout se passe sereinement. Qu’on « profite » de moi au mieux, en quelques sortes. Mais c’était trop de pretention de ma part. Voici qu’on me jette comme une vieille chaussette...

Alors les cuiseurs solaires, foyers ameliores, utilisation de manure en tant que fertilisant et feuille de route de la maintenance devront se passer de moi… Quel gâchis ! J’avais clairement annonce que je pouvais rester jusqu'à Octobre, fin Aout sera ma date de départ… Ne cherchons pas a comprendre, ca n’en vaut pas la peine. Cependant, j’espere toujours rester une force de proposition. Et la venue de Nico, ses regards nouveaux, m’ont aidee. « L’homme s’habitue a tout », un adage que j’utilise souvent.

 

Et je commencais a oublier les critiques formulees au debut de ma venue a propos de cette ONG et de ses choix strategiques. On execute des taches, on se plonge dedans, et on en oublie les critiques et la reticence d’emprunter ces chemin formules aux debuts. Car on ne veut pas nier ses efforts. On a trop de fierte pour cela. Et travailler pour rien, ca n’a jamais motive personne. Alors on oublie facilement que le choix initial meritait peut etre d’etre un peu plus reflechi avant de courir si loin « down the line » … Mais, m’a-t-on donne le choix et le loisir de reflechir ? Non, certes, beaucoup de ce que j’ai fait a été ecrit bien avant moi. Et ainsi, tout compte fait, je me dis que c peut etre pas plus mal, de partir.

Enfourcher un velo pour m’offrir d’autres aventures bien meritees ou je serai seule a decider de mes faits et gestes ? Revenir vers le « confort » d’un boulot que je connais et qui paye bien, avec l’espoir que les challenges y soient toujours intéressants? Que d’options, que de choix. Une tete en paix, centree sur son devenir. Et la sagesse fera le reste. Mais quel luxe, mon Dieu, ce luxe de choisir !

Je cours les campagnes et la misere. Elle fait toujours mal, elle derange toujours. Parce que comparer sa situation a celle de ces gens que le sort a frappe lourdement, dont le Karma les a place dans une situation précaire, c’est profondement derangeant. On ne peut effectivement s’empecher de retourner le miroir vers soit. Et lorsqu’on a compris qu’ils ont surtout besoin d’argent ou de plus de confort, qu’on ne peut leur apporter que des outils energetiques dont l’impact financier n’est pas immediat (qu'est ce qu'une tonne de CO2 evitee pour un chinois misereux), si ce n’est peut etre apres des annees et des efforts consentis de leur part, on revient sur sa propre condition : mes privileges sont ils au prix de tant de misere ? Car apres tout, la Chine, sa misere ecologique, sa dichotomie campagnes/villes, c’est un peu a l’occident et son consumérisme qu’elle le doit. Et ces marches du carbone, lorsqu'ils permettent de subventionner des solutions pour des beneficiaires sceptiques, comment en garantir le succes? 

Bien sur, ces questions, intreseques a tout projet de developpement, sont inevitables et ne portent pas de reponses simples. Ma joie, aujourd’hui, vient-elle du bonheur de ma condition lorsque je la compare a la leur ? Qui est-ce que j’aide, en allant les aider ? Eux ou moi ? Ce sont des questions auxquelles on ne deroge pas. Et puis, le developpement, c’est aussi imposer ailleurs ce qu’on ne peut faire chez nous. Un peu… Eviter l’exode rural (pour eviter la concentration de pauvres en ville), en leur apportant des solutions (qui n’en sont pas toujours a leurs yeux), adjointes parfois de contraintes, c’est jouer a « Age of Empire » en grandeur reelle. Oui, on experimente, en faisant du developpement. On se masturbe l’esprit, on se fait plaisir. Et c’est super, c’est chouette. Mais n’est-ce pas d’un profond egosime, au fond ? Paradoxalement ? Tout le monde le sait, qu’il y a une part d’egoisme. Tous ceux qui y ont bosse ou ont le courage parfois de regarder la realite de leur condition le savent. Et pourtant, on trouve la force de continuer, car, de nouveau, il n’y a pas de reponse simple. Et dire que ne rien faire serait injuste est tout aussi vrai. Alors…que faire? continuer a aider, oui, mais ne pas forcer la main.

 

Mais il y a une lecon dans ces actions humanitaires qui ne se lit avec profondeur que lorsque la condition des pauvres vous impreigne tout a fait : celle de voir que la misere offre parfois, aussi, des sourires. Bien qu’en Chine ces sourires soient plus difficiles a obtenir qu’ailleurs, ils sont la, eux aussi. Et avec ce mimique, ce seul mimique du sourire, dans un endroit ou on l’attend le moins, on sait qu’on touche du doigt ce que l’humanité porte de plus beau en elle. C’est une richesse que de le voir. Si on peut de plus le prolonger, ce sourire, ou insuffler une once d’espoir qui l’entretienne, alors on se sent dans le vrai, dans le juste. J’ai des choix devant moi, et je sais que chacune des routes que j’emprunterai sera la bonne. Et c’est merveilleux de le savoir. 

Avec plein d’amour a vous tous, Nadine

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